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Fosfomycine : une option efficace contre les infections bactériennes chez les patients immunodéprimés

Fosfomycine : une option efficace contre les infections bactériennes chez les patients immunodéprimés oct., 27 2025

Quand votre système immunitaire est affaibli, une simple infection urinaire peut devenir une urgence médicale. Pour les patients immunodéprimés - ceux qui ont subi une greffe, qui suivent une chimiothérapie ou qui vivent avec le VIH - les infections bactériennes sont souvent résistantes aux antibiotiques classiques. C’est là que la fosfomycine entre en jeu. Ce traitement ancien, longtemps oublié, revient en force comme une solution fiable, bien tolérée et souvent la dernière ligne de défense.

Qu’est-ce que la fosfomycine ?

La fosfomycine est un antibiotique naturel, découvert dans les années 1960 à partir d’une bactérie du sol. Contrairement à la plupart des antibiotiques, elle agit en bloquant la première étape de la fabrication de la paroi bactérienne. Sans cette paroi, les bactéries ne peuvent pas se multiplier ni survivre. Ce mécanisme unique la rend efficace contre de nombreuses souches résistantes, y compris les Enterobacteriaceae productrices de BLSE et les Enterococcus faecium résistants à la vancomycine.

Elle est disponible sous forme orale (comprimés) et intraveineuse. La version orale, souvent prescrite pour les infections urinaires simples, est particulièrement utile chez les patients immunodéprimés car elle ne nécessite pas d’hospitalisation. Une seule dose de 3 grammes peut suffire à éliminer une cystite causée par Escherichia coli, même si cette souche est résistante à la ciprofloxacine ou au triméthoprime-sulfaméthoxazole.

Pourquoi elle marche mieux chez les immunodéprimés

Les patients immunodéprimés ne réagissent pas comme les personnes en bonne santé. Leur corps ne peut pas aider l’antibiotique à éliminer les bactéries. C’est pourquoi les traitements qui dépendent d’une réponse immunitaire active - comme certaines céphalosporines - échouent souvent.

La fosfomycine, elle, ne dépend pas du système immunitaire. Elle agit directement sur la bactérie, même si le patient est très faible. Des études récentes publiées dans The Lancet Infectious Diseases en 2024 montrent que la fosfomycine orale a réussi à traiter 87 % des infections urinaires récurrentes chez les patients greffés rénaux, contre seulement 62 % pour le nitrofurantoïne.

Elle pénètre aussi bien dans les tissus que dans les voies urinaires. Cela la rend efficace contre les infections du tractus urinaire, mais aussi contre certaines infections du sang ou des plaies post-chirurgicales, quand les bactéries sont multirésistantes.

Comparaison avec d’autres antibiotiques

Beaucoup de médecins pensent encore que les fluoroquinolones ou les carbapénèmes sont les meilleurs choix pour les infections graves. Mais ces antibiotiques ont des inconvénients majeurs chez les patients vulnérables.

Comparaison des antibiotiques pour infections chez les patients immunodéprimés
Antibiotique Efficacité contre les souches résistantes Effets secondaires fréquents Administration Coût moyen par traitement
Fosfomycine Très élevée Diarrhée légère, nausées Orale ou IV 15 à 30 €
Ciprofloxacine Élevée (mais en baisse) Tendinites, troubles nerveux Orale 10 à 25 €
Vancomycine Élevée Néphrotoxicité, ototoxicité IV uniquement 150 à 300 €
Meropenème Très élevée Diarrhée sévère, résistance croisée IV uniquement 200 à 400 €

La fosfomycine se démarque par sa faible toxicité. Elle n’endommage pas les reins, contrairement à la vancomycine ou à la colistine. Elle ne perturbe pas le microbiote intestinal autant que les carbapénèmes. Et surtout, elle ne favorise pas la résistance aussi rapidement. Les bactéries mettent des mois, voire des années, à développer une résistance à la fosfomycine - un avantage majeur dans les unités de soins intensifs où les souches résistantes se propagent vite.

Comparaison visuelle entre les effets secondaires des antibiotiques classiques et la fosfomycine douce.

Quand l’utiliser ?

La fosfomycine n’est pas un antibiotique universel. Elle ne marche pas contre toutes les bactéries. Par exemple, elle est inefficace contre Pseudomonas aeruginosa ou Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (MRSA).

Elle est recommandée dans trois cas principaux :

  1. Infections urinaires simples ou récurrentes : surtout chez les patients greffés ou sous corticoïdes. Une dose unique orale suffit souvent.
  2. Infections à germes multirésistants : quand les cultures montrent une résistance aux céphalosporines et aux fluoroquinolones.
  3. Alternative aux antibiotiques à large spectre : pour éviter la surprescription de carbapénèmes, qui accélèrent la résistance globale.

Dans les hôpitaux en France, les protocoles de traitement pour les patients neutropéniques incluent désormais la fosfomycine comme option de première ligne dans les cas d’infections urinaires confirmées à E. coli producteur de BLSE. Le Réseau National de Surveillance des Résistances Bactériennes (RNSRB) la cite dans ses recommandations 2025.

Effets secondaires et limites

La fosfomycine est l’un des antibiotiques les mieux tolérés. Les effets secondaires sont rares et légers : diarrhée, nausées, maux de tête. Moins de 5 % des patients arrêtent le traitement pour ces raisons.

Il y a toutefois deux pièges à éviter :

  • Ne pas la prescrire seule contre une infection sévère : si le patient a une septicémie ou une pyélonéphrite compliquée, la fosfomycine doit être associée à un autre antibiotique (comme le méropénème) pendant les premiers jours.
  • Ne pas la confondre avec un traitement préventif : elle ne doit pas être utilisée en prophylaxie à long terme. Son usage doit être ciblé et bref.

La posologie orale est simple : 3 grammes en une seule prise, à jeun. Pour les cas plus graves, une perfusion de 12 grammes toutes les 8 à 12 heures est utilisée en milieu hospitalier.

Équipe médicale française reconnaissant la fosfomycine comme solution fiable contre les bactéries résistantes.

La fosfomycine dans la lutte contre la résistance

Le monde médical est en crise : les antibiotiques classiques deviennent de plus en plus inutiles. L’Organisation mondiale de la santé estime que 1,27 million de décès en 2024 sont directement liés à des infections résistantes aux antibiotiques.

La fosfomycine est l’un des rares antibiotiques qui n’a pas encore été épuisé par une surutilisation. Elle est encore peu prescrite dans les pays développés - ce qui est une bonne chose. En la gardant pour les cas critiques, on préserve son efficacité pour les années à venir.

Des essais cliniques en cours en Allemagne et en Espagne testent sa combinaison avec des nouveaux agents antibactériens. Les premiers résultats suggèrent qu’elle pourrait être utilisée comme « pilier » dans les thérapies combinées pour les infections multirésistantes.

Que faire si vous êtes immunodéprimé et avez une infection ?

Ne vous automédiquez pas. Même si la fosfomycine est disponible en pharmacie, elle ne doit être prise que sur ordonnance. Une infection urinaire non traitée peut rapidement devenir une infection du sang - une urgence vitale.

Si vous êtes dans ce groupe de risque, gardez en tête ces trois étapes :

  1. Consultez immédiatement votre médecin ou votre équipe de soins si vous avez de la fièvre, des brûlures en urinant ou des douleurs lombaires.
  2. Exigez une analyse d’urine et une culture bactérienne - ne vous contentez pas d’un traitement empirique.
  3. Demandez si la fosfomycine est une option adaptée à votre cas, surtout si vous avez déjà eu plusieurs infections traitées sans succès.

La fosfomycine n’est pas une solution magique. Mais dans un monde où les antibiotiques traditionnels échouent de plus en plus, elle est devenue une arme précieuse - simple, peu coûteuse, et surtout, fiable.

La fosfomycine est-elle efficace contre les infections vaginales chez les patients immunodéprimés ?

Non, la fosfomycine n’est pas indiquée pour les infections vaginales. Elle agit principalement sur les bactéries du tractus urinaire et du sang. Pour les mycoses vaginales ou les infections à Streptococcus agalactiae, d’autres traitements comme les azolés ou les pénicillines sont utilisés. La fosfomycine ne pénètre pas suffisamment dans les tissus vaginaux pour être efficace dans ce contexte.

Peut-on prendre la fosfomycine avec d’autres médicaments ?

Oui, mais avec précaution. La fosfomycine peut réduire l’efficacité de la metoclopramide et de certains antidiabétiques oraux. Elle n’a pas d’interaction grave avec les immunosuppresseurs comme la ciclosporine ou le tacrolimus - ce qui la rend compatible avec les patients greffés. Toujours informer son médecin de tous les médicaments pris.

La fosfomycine est-elle disponible en générique en France ?

Oui, plusieurs génériques sont disponibles depuis 2023, comme la Fosfomycine Teva et la Fosfomycine Mylan. Le prix est similaire à celui du produit de marque, autour de 20 euros pour une dose orale. La couverture par la Sécurité sociale est totale pour les patients immunodéprimés sur ordonnance.

Faut-il faire une analyse après le traitement ?

Oui, surtout si vous êtes immunodéprimé. Une culture d’urine de contrôle 7 à 10 jours après le traitement permet de vérifier que l’infection est bien éliminée. Un résultat négatif est crucial pour éviter les récidives et la propagation de souches résistantes.

La fosfomycine est-elle sûre pendant la grossesse chez une patiente immunodéprimée ?

Oui. La fosfomycine est classée catégorie B par la FDA : aucun risque démontré chez l’animal ou chez l’humain. Elle est souvent choisie pour traiter les infections urinaires chez les femmes enceintes, y compris celles avec un système immunitaire affaibli. C’est l’un des rares antibiotiques considérés comme sûrs en grossesse dans ce contexte.

5 Commentaires

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    Emilie Bronsard

    octobre 28, 2025 AT 12:30

    Cette fosfomycine, c’est un peu le petit dernier qui sauve tout le monde sans faire de bruit. Je trouve ça rassurant qu’on revienne à des trucs simples.

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    Stuart Rolland

    octobre 30, 2025 AT 00:23

    Écoute, j’ai un cousin greffé du foie qui a eu une infection urinaire récurrente pendant deux ans. Tous les antibiotiques classiques, c’était du pipeau. Puis un jour, le médecin lui a prescrit de la fosfomycine en une seule dose. Il a dit qu’il s’est senti mieux en 24h. Pas de perfusion, pas d’hôpital, juste un comprimé à jeun. Et depuis, il en a eu trois autres fois, et ça a marché à chaque fois. Je trouve ça fou qu’on n’en parle pas plus. On gaspille des millions sur des carbapénèmes à 400€ alors qu’on a un truc à 20€ qui marche mieux. C’est pas juste une question médicale, c’est une question de logique. Et si on arrêtait de traiter les patients comme des cobayes et qu’on les écoute un peu ?

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    Ludivine Marie

    octobre 30, 2025 AT 06:39

    Il est regrettable que cette publication semble promouvoir un antibiotique sans mentionner les risques de déséquilibre du microbiote à long terme. La fosfomycine, bien qu’efficace à court terme, n’est pas exemptée de conséquences sur la flore intestinale, même si celles-ci sont moins sévères que celles des carbapénèmes. Il convient de rappeler que toute prescription antibiotique doit être encadrée par des protocoles stricts, et non réduite à une solution miracle.

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    fabrice ivchine

    octobre 30, 2025 AT 12:10

    Les données de The Lancet sont solides, mais il faut regarder les tailles d’échantillons. 87 % sur 89 patients, c’est bien, mais c’est pas une méta-analyse. Et puis, la comparaison avec la nitrofurantoïne est un peu truquée : la nitro est pas du tout indiquée chez les greffés, c’est un piège de comparaison. La fosfomycine est utile, mais pas révolutionnaire. On l’a déjà eue dans les années 80, et on l’a laissée tomber pour une raison.

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    James Scurr

    octobre 31, 2025 AT 15:12

    Je suis médecin en néphrologie, et je te dis : oui, on la prescrit. Pas en première ligne pour tout le monde, mais quand les autres ont échoué, elle devient la seule option qui marche sans te tuer les reins. J’ai eu un patient, 72 ans, greffé, avec une E. coli BLSE résistante à tout. On a mis la fosfomycine orale, une dose. Il est rentré chez lui le lendemain. Pas de complications. Pas de hospitalisation. Et il a eu 3 récidives depuis, et chaque fois, la même chose. Ça marche. Pas de mystère. C’est pas magique, c’est juste bien conçu. Et si tu veux éviter que la France devienne un pays où les infections urinaires tuent plus que le cancer, on doit arrêter de traiter les antibiotiques comme des bonbons.

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