Ginkgo Biloba et anticoagulants : les risques de saignement expliqués
nov., 19 2025
Vous prenez un anticoagulant comme la warfarine ou du clopidogrel, et vous songez à essayer le ginkgo biloba pour améliorer votre mémoire ? Attention. Ce complément naturel, très populaire, peut augmenter votre risque de saignement - parfois de façon grave. Même si vous le prenez en petite dose, même si vous pensez que « c’est naturel, donc sans danger », les faits scientifiques ne mentent pas : le ginkgo biloba interfère avec la coagulation du sang. Et cette interaction peut avoir des conséquences imprévues, voire mortelles.
Comment le ginkgo biloba affecte-t-il la coagulation ?
Le ginkgo biloba contient des composés actifs, principalement des flavonoïdes et des terpènes lactones, qui agissent sur les plaquettes sanguines. Contrairement à ce que beaucoup croient, ce n’est pas un « anticoagulant » au sens médical du terme - il ne bloque pas la production de facteurs de coagulation comme la warfarine. Mais il empêche les plaquettes de s’agglutiner correctement. Résultat : le sang met plus de temps à former un caillot, même après une petite coupure ou un traumatisme léger.
Ce mécanisme a été observé dans plusieurs études cliniques. Une étude publiée dans PLOS ONE en 2023 a montré une corrélation claire entre la prise de ginkgo biloba et un risque accru de saignement (rapport de cotes : 1,08) et de résultats anormaux aux tests de coagulation (rapport de cotes : 1,49). Ce n’est pas une simple association : des cas concrets ont été documentés. Un homme de 68 ans a subi un saignement spontané dans l’œil droit après une semaine de ginkgo biloba, alors qu’il prenait déjà de l’aspirine à faible dose. Une jeune femme a connu une hémorragie cérébrale sévère après des années de prise régulière de ginkgo - sans aucun autre anticoagulant.
Quels médicaments sont les plus dangereux à combiner avec le ginkgo ?
Le risque ne se limite pas à un seul type de médicament. Il s’aggrave avec plusieurs combinaisons. Voici les associations les plus préoccupantes :
- Warfarine (Coumadin, Jantoven) : Des cas documentés montrent une augmentation de l’INR - le test qui mesure la capacité du sang à coaguler - après l’ajout de ginkgo biloba. Un INR trop élevé signifie un risque élevé de saignement interne.
- Clopidogrel (Plavix) : Ce médicament antiplaquettaire, souvent prescrit après un infarctus, agit de la même manière que le ginkgo. Ensemble, ils créent un effet cumulatif : le sang devient presque incapable de se coaguler.
- Aspirine (80 à 325 mg) : Même à faible dose, l’aspirine inhibe les plaquettes. Avec le ginkgo, le risque de saignement gastrique ou cérébral augmente de façon significative.
- AINS comme l’ibuprofène ou le cécoxib : Ces médicaments contre la douleur et l’inflammation affaiblissent aussi la coagulation. Leur combinaison avec le ginkgo est une bombe à retardement.
- Antidépresseurs comme la fluoxétine (Prozac) : Des études suggèrent que le ginkgo pourrait réduire leur efficacité, ce qui complique la gestion des troubles de l’humeur.
Et ce n’est pas tout. Le ginkgo peut aussi interagir avec les statines (Lipitor, Zocor), les antiépileptiques, les médicaments pour le diabète, et même certains antihypertenseurs comme la nifédipine. L’effet n’est pas toujours un saignement - parfois, c’est une baisse d’efficacité du traitement, ou une élévation dangereuse de la pression artérielle.
Le ginkgo biloba est-il sûr pour les personnes âgées ?
Les personnes âgées sont particulièrement vulnérables. Leur foie et leurs reins ne métabolisent pas les substances aussi efficacement. Leur système vasculaire est plus fragile. Et ils sont souvent sous plusieurs médicaments en même temps - ce qui multiplie les risques d’interactions.
La Mayo Clinic recommande explicitement aux personnes âgées, aux personnes ayant un antécédent de saignement, ou aux femmes enceintes d’éviter complètement le ginkgo biloba. Pourquoi ? Parce que les effets ne se limitent pas à la coagulation. Des cas de convulsions ont été rapportés après une prise excessive de ginkgo - surtout chez les personnes déjà sous traitement antiépileptique.
Et attention : les compléments alimentaires ne sont pas contrôlés comme les médicaments. Aux États-Unis, la FDA ne vérifie pas la pureté, la dose ou la qualité des produits à base de plantes avant leur vente. Deux bouteilles de ginkgo biloba, même avec la même étiquette, peuvent contenir des quantités très différentes de composés actifs. Cela rend les interactions encore plus imprévisibles.
Que faire si vous prenez déjà du ginkgo et un anticoagulant ?
Ne l’arrêtez pas brusquement sans consulter un professionnel. Mais ne continuez pas non plus sans savoir ce que vous risquez.
Voici ce que vous devez faire :
- Consultez votre médecin ou votre pharmacien : Montrez-leur la liste complète de tous vos médicaments, y compris les compléments. Ne dites pas « je prends juste un peu de ginkgo » - dites exactement la dose et la fréquence.
- Évaluez la nécessité : Le ginkgo biloba n’a pas d’effet prouvé sur la mémoire ou la circulation cérébrale chez la plupart des gens. Les bénéfices supposés sont faibles. Le risque, lui, est réel.
- Planifiez une interruption : Si vous devez subir une chirurgie - même une simple extraction dentaire - arrêtez le ginkgo au moins 2 semaines avant. L’American Society of Anesthesiologists recommande 2 à 3 semaines pour être en sécurité. Même si certaines études suggèrent que 36 heures suffisent, pourquoi prendre le risque ?
- Surveillez les signes de saignement : Si vous voyez des ecchymoses sans raison, des saignements de nez fréquents, des urines roses ou rouges, des selles noires ou sanglantes, ou une céphalée soudaine et intense, consultez immédiatement un médecin.
Les études contradictoires : que croire ?
Vous avez peut-être lu que certaines études n’ont trouvé aucun effet du ginkgo sur la coagulation. C’est vrai. Une étude sur l’extract EGb 761 - une forme standardisée très utilisée - n’a pas montré d’altération des 29 paramètres de coagulation mesurés. Alors, qui a raison ?
La réponse est simple : les études contrôlées en laboratoire ne capturent pas toujours les interactions complexes dans la vie réelle. Les cas cliniques, eux, sont réels. Et ils se produisent. La contradiction vient du fait que les études cliniques mesurent des paramètres de laboratoire, mais pas les effets sur des personnes âgées, sous plusieurs médicaments, avec des antécédents de maladie vasculaire. La réalité, c’est que le ginkgo ne cause pas systématiquement des saignements, mais il augmente le risque - surtout dans certains contextes.
Le NIH souligne lui-même que la qualité des preuves reste insuffisante. Mais dans le doute, la règle est claire : si vous prenez un anticoagulant, évitez le ginkgo biloba. Point final.
Les alternatives sûres pour la mémoire et la circulation
Vous voulez améliorer votre mémoire ou votre circulation cérébrale sans risque ? Il existe des options bien plus sûres :
- L’activité physique : Marcher 30 minutes par jour améliore la circulation cérébrale plus efficacement que n’importe quel complément.
- Le sommeil de qualité : Le cerveau se nettoie pendant le sommeil profond. Un bon sommeil est la meilleure « détox » naturelle.
- Les aliments riches en antioxydants : Les baies, les épinards, les noix, les légumes-feuilles - ils protègent les vaisseaux sanguins sans risque d’interaction.
- La gestion du stress : Le stress chronique réduit la circulation cérébrale. La méditation, la respiration profonde, ou même un bon livre avant de dormir peuvent aider.
Le ginkgo biloba n’est pas un miracle. Il est un complément avec des risques connus et des bénéfices incertains. Pourquoi prendre un risque inutile quand des solutions plus sûres existent ?
Les graines de ginkgo : un danger caché
Attention : les graines du ginkgo biloba - parfois vendues comme « noix de ginkgo » - sont toxiques. Même cuites, elles contiennent des substances neurotoxiques pouvant provoquer des convulsions, des nausées, ou même des troubles du rythme cardiaque. La Mayo Clinic recommande de ne jamais consommer les graines, fraîches ou grillées. Ce n’est pas un snack sain : c’est un poison.
Le ginkgo biloba peut-il causer des saignements même sans anticoagulant ?
Oui. Des cas de saignement cérébral et oculaire ont été rapportés chez des personnes qui prenaient uniquement du ginkgo biloba, sans aucun autre médicament anticoagulant. Cela montre que le ginkgo peut affecter la coagulation de façon indépendante, surtout avec une prise prolongée ou à forte dose.
Combien de temps faut-il arrêter le ginkgo avant une chirurgie ?
La plupart des sociétés médicales recommandent d’arrêter le ginkgo biloba 2 à 3 semaines avant une intervention chirurgicale. Même si certaines études suggèrent que 36 heures suffisent, le risque de saignement post-opératoire est trop élevé pour prendre des risques. La sécurité prime sur la rapidité.
Le ginkgo biloba est-il dangereux pour les personnes âgées ?
Oui, particulièrement. Les personnes âgées métabolisent moins bien les substances, ont souvent plusieurs maladies chroniques, et prennent plusieurs médicaments. Le risque d’interactions et de saignement est multiplié. La Mayo Clinic recommande d’éviter totalement le ginkgo chez les personnes de plus de 65 ans.
Le ginkgo biloba est-il réglementé comme un médicament ?
Non. Aux États-Unis et dans l’Union européenne, le ginkgo biloba est classé comme complément alimentaire. Cela signifie qu’il n’est pas testé pour sa sécurité ou son efficacité avant la vente. La qualité des produits varie énormément d’une marque à l’autre. Vous ne savez jamais exactement ce que vous prenez.
Puis-je reprendre le ginkgo après une chirurgie ?
Attendez d’être complètement rétabli et consultez votre médecin. Si vous reprenez un anticoagulant après l’intervention, il est fortement déconseillé de réintroduire le ginkgo biloba. Le risque de saignement revient immédiatement. Il est plus sûr d’opter pour des alternatives naturelles et éprouvées.
Le ginkgo biloba n’est pas un ennemi. Mais il n’est pas un allié non plus. Dans le monde des médicaments, les interactions ne se jouent pas sur l’intention - elles se jouent sur la chimie. Et la chimie, elle, ne fait pas de compromis.