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Médicaments anticonvulsivants et substitution générique : risques et bonnes pratiques

Médicaments anticonvulsivants et substitution générique : risques et bonnes pratiques déc., 31 2025

Vous prenez un médicament contre les crises d’épilepsie depuis des années. Vos crises sont sous contrôle. Puis, un jour, vous allez chercher votre ordonnance à la pharmacie, et vous découvrez que la pilule n’a plus la même forme, la même couleur, ni même le même nom. C’est un générique. Vous n’avez pas demandé ce changement. Et vous vous inquiétez : est-ce que ça va marcher aussi bien ?

Ce scénario, des milliers de patients l’ont vécu. Et pourtant, les autorités sanitaires affirment souvent que les génériques sont équivalents aux médicaments de marque. La vérité est plus complexe - surtout pour les médicaments anticonvulsivants. Ces traitements ont un index thérapeutique étroit (NTI). Cela signifie qu’une variation minime de la concentration dans le sang - même de 15 % - peut provoquer une reprise des crises ou des effets secondaires graves.

Pourquoi les anticonvulsivants sont différents

Beaucoup de médicaments, comme les antibiotiques ou les antihypertenseurs, fonctionnent même si la dose varie un peu. Pas les anticonvulsivants. Des substances comme la lamotrigine, le carbamazépine et l’acide valproïque sont sur la liste des médicaments essentiels de l’OMS. Mais elles sont aussi parmi les plus sensibles aux différences entre les génériques et les marques.

Les génériques doivent prouver qu’ils sont « bioéquivalents » : leur concentration dans le sang doit être comprise entre 80 % et 125 % de celle du médicament de référence. Pour la plupart des médicaments, c’est suffisant. Pour les anticonvulsivants ? Pas toujours. Des études montrent que même dans cette fourchette, les profils d’absorption peuvent varier. Un générique peut être absorbé plus lentement, ou de façon moins stable. Pour quelqu’un qui a besoin d’un taux constant pour éviter les crises, ça peut faire toute la différence.

Les preuves qui inquiètent

Les données cliniques ne soutiennent pas toujours l’idée que les génériques sont sans risque.

Une étude publiée dans Neurology en 2008 a montré que les patients qui avaient été passés au générique de lamotrigine avaient 23 % de visites médicales en plus et 18 % d’hospitalisations en plus que ceux qui étaient restés sur la version de marque. Autre chiffre frappant : un sondage international de 2022, mené auprès de 1 247 professionnels de santé, a révélé que 40 % d’entre eux avaient observé une augmentation des crises après un changement de générique. 17 % ont signalé une hausse des effets secondaires.

Et ce n’est pas qu’une question de chiffres. Sur les forums de patients, les témoignages sont nombreux. Une femme, qui n’avait pas eu de crise depuis cinq ans, en a eu trois en deux semaines après le passage au générique de Lamictal. Un autre patient a décrit comment le changement de forme et de couleur de ses pilules l’a rendu anxieux - et cette anxiété a déclenché sa première crise en deux ans.

Le problème ne se limite pas à la pharmacologie. Les patients, surtout les enfants, les personnes âgées ou celles avec des troubles cognitifs, peuvent se perdre quand la pilule change. Ils peuvent oublier de la prendre, la confondre avec une autre, ou tout simplement refuser de la prendre parce qu’elle ne leur semble pas « la bonne ».

Les différences entre les régulateurs

La FDA aux États-Unis affirme que les génériques sont sûrs. Mais l’Agence européenne des médicaments (EMA) et l’Agence britannique (MHRA) sont plus prudents. Le MHRA a explicitement déclaré que pour certains médicaments - comme les anticonvulsivants - la continuité du traitement est cruciale, car les conséquences d’un échec thérapeutique peuvent être graves.

En Europe, les exigences pour les médicaments à index thérapeutique étroit sont plus strictes que celles de la FDA. Mais même là, les génériques sont largement utilisés. La différence ? Les centres spécialisés en épilepsie, en France comme ailleurs, ont tendance à privilégier la marque pour les patients à risque. Dans les hôpitaux universitaires, 45 % des patients reçoivent encore la version de marque. Dans les pharmacies de quartier, ce chiffre tombe à 85 % de génériques.

Neurologue expliquant à un patient âgé un graphique de concentration sanguine montrant la stabilité d'un médicament de marque versus un générique.

Les conséquences réelles pour les patients

Le coût est souvent cité comme la raison principale pour favoriser les génériques. Et c’est vrai : ils coûtent entre 30 % et 80 % moins cher. Mais quand on parle d’épilepsie, le coût caché peut être bien plus élevé.

Une crise non contrôlée peut entraîner une chute, un accident de voiture, une hospitalisation d’urgence, ou même un décès. Le coût d’une seule hospitalisation peut dépasser les économies réalisées sur des mois de génériques. Et ce n’est pas seulement une question d’argent. C’est une question de sécurité, de qualité de vie, de liberté.

Un sondage de la Ligue internationale contre l’épilepsie en 2021 a révélé que 68 % des patients avaient peur du passage au générique. 42 % disaient qu’ils paieraient plus cher pour garder la même pilule. Ce n’est pas de la méfiance irrationnelle. C’est de l’expérience.

Que faire ? Les bonnes pratiques

Il ne s’agit pas de dire « non » aux génériques. Il s’agit de les utiliser avec prudence.

  • Ne changez jamais de médicament sans en parler à votre neurologue. Votre médecin peut demander à la pharmacie de ne pas remplacer votre traitement, surtout si vous avez des crises difficiles à contrôler, si vous êtes enceinte, ou si vous avez d’autres maladies.
  • Exigez la même marque à chaque fois. Si votre pharmacien vous propose un générique, demandez-lui de vérifier si c’est le même fabricant que la dernière fois. Même deux génériques différents peuvent avoir des effets différents.
  • Surveillez les changements. Si vous remarquez une augmentation des crises, des étourdissements, de la fatigue, ou des troubles de l’humeur après un changement de pilule, contactez immédiatement votre médecin. Ne laissez pas passer quelques jours. Ces signes peuvent être des signaux d’alerte.
  • Documentez tout. Notez la couleur, la forme, le nom du fabricant sur votre ordonnance ou dans un carnet. Cela aidera votre médecin à identifier rapidement la source d’un problème.
  • Évitez les changements fréquents. Une étude a montré que les patients qui changent plusieurs fois de générique ont un risque plus élevé de rechute. La stabilité est un pilier du traitement.
Carnet personnel ouvert avec notes manuscrites sur les pilules, les crises et l'indication 'non substituable'.

Le rôle des pharmaciens et des médecins

Les pharmaciens ne sont pas des ennemis. Ils veulent aider. Mais beaucoup n’ont pas reçu une formation suffisante sur les spécificités des anticonvulsivants. Un sondage de 2022 a révélé que 78 % des neurologues estiment que leurs collègues n’ont pas été correctement formés sur la bioéquivalence.

Les neurologues doivent être impliqués dans la décision. Certains établissements ont mis en place des protocoles : pour les patients à haut risque, la prescription doit spécifier « non substituable » ou « marque déterminée ». Ce n’est pas une exception. C’est une nécessité.

Les fabricants de médicaments de marque fournissent souvent des notices plus détaillées, avec des informations sur les excipients. Pour certains patients, cela compte. Par exemple, un patient en régime cétogène peut être affecté par un excipient riche en glucides dans un générique. Ce n’est pas un détail. C’est un risque thérapeutique.

Et l’avenir ?

La FDA a proposé en 2023 de resserrer les normes de bioéquivalence pour les médicaments à index étroit - passant de 80-125 % à 90-111 %. Ce n’est pas encore une loi, mais c’est un signe. La communauté scientifique commence à reconnaître que la règle « une taille unique pour tous » ne fonctionne pas pour les anticonvulsivants.

Les nouvelles directives internationales de 2024 recommandent désormais une approche personnalisée : évaluer le risque en fonction du type de crises, de la fréquence, des autres maladies, de l’âge, et même du niveau d’anxiété du patient. Ce n’est plus une question de coût. C’est une question de médecine de précision.

Les nouveaux médicaments comme le cénobamate ou la fénluramine ont des profils pharmacocinétiques encore plus complexes. Pour eux, la stabilité du traitement sera encore plus cruciale.

En résumé

Les génériques sont une bonne chose - quand ils sont utilisés au bon endroit et au bon moment. Mais pour les anticonvulsivants, la règle est simple : la stabilité prime sur le prix.

Si vous prenez un anticonvulsivant, ne laissez pas la pharmacie décider pour vous. Parlez à votre neurologue. Demandez à ce que votre traitement reste le même. Et si un changement est fait, surveillez votre corps. Vos crises ne mentent pas. Vos symptômes ne sont pas « dans votre tête ». Ce sont des signaux réels. Et ils méritent d’être pris au sérieux.

Les génériques de médicaments anticonvulsivants sont-ils aussi efficaces que les marques ?

Les génériques sont bioéquivalents selon les normes réglementaires, mais cette équivalence ne garantit pas toujours une équivalence thérapeutique pour les anticonvulsivants. Ces médicaments ont un index thérapeutique étroit : de petites variations dans la concentration sanguine peuvent provoquer des crises ou des effets secondaires. Des études cliniques et des témoignages de patients montrent que certains changements de générique sont associés à une augmentation des crises et des hospitalisations.

Pourquoi les anticonvulsivants sont-ils particulièrement sensibles aux changements de générique ?

Les anticonvulsivants comme la lamotrigine, le carbamazépine et l’acide valproïque ont un index thérapeutique étroit (NTI). Cela signifie que la concentration du médicament dans le sang doit rester dans une très petite fourchette pour être efficace et sûre. Une variation de 15 à 20 % peut suffire à déclencher une crise ou à provoquer une toxicité. Les génériques, même s’ils répondent aux normes de bioéquivalence, peuvent avoir des profils d’absorption différents, surtout s’ils sont en version prolongée.

Puis-je demander à ma pharmacie de ne pas me substituer mon médicament ?

Oui, vous pouvez et vous devez le faire. En France, vous pouvez demander à votre médecin d’écrire « non substituable » sur votre ordonnance. Si ce n’est pas fait, vous pouvez simplement refuser le générique en disant à la pharmacie : « Je veux garder la même formulation que je prends depuis X mois. » La loi ne permet pas à la pharmacie de forcer le changement sans votre accord explicite.

Quels sont les signes qu’un changement de générique me fait du mal ?

Si vous remarquez une augmentation des crises, des étourdissements, une fatigue inhabituelle, une perte d’appétit, des troubles de la mémoire, de l’anxiété accrue ou des sautes d’humeur dans les jours suivant un changement de médicament, cela peut être lié. Ne les ignorez pas. Notez la date du changement et contactez votre neurologue dès que possible. Ces signes ne sont pas « dans votre tête » - ils sont physiologiques.

Les génériques sont-ils de mauvaise qualité ?

Pas nécessairement. La plupart des génériques sont produits selon des normes strictes. Le problème ne vient pas toujours de la qualité, mais de la variabilité entre les fabricants. Deux génériques différents, même s’ils sont tous deux approuvés, peuvent avoir des excipients ou des profils d’absorption différents. C’est cette variabilité - pas la qualité - qui pose risque pour les anticonvulsivants.

Existe-t-il des aides pour payer les médicaments de marque si je ne veux pas de générique ?

Oui. En France, les patients peuvent bénéficier de l’aide de l’Assurance Maladie pour les traitements longs. Certains laboratoires proposent aussi des programmes d’aide financière pour les médicaments de marque. Votre neurologue ou votre pharmacien peut vous orienter vers ces dispositifs. Il ne s’agit pas de choisir entre la santé et le budget - il s’agit de trouver la solution qui permet de préserver les deux.